3.08.2012

Droit pénal ( cours avant les vacances)

- L’analogie légale. C’est le système le plus encadré et le moins dangereux. Le juge se réfère à un texte de loi existant et prend un peu de distance avec ce texte pour l’appliquer à d’autres situations. Il en étend l’application à d’autres comportements.
- L’analogie judiciaire. Cela devient grave car le juge pour statuer ne s’appuie sur aucun texte. Il se fonde simplement sur ce qui constitue pour lui l’esprit du droit pénal et réprime tout ce qui lui semble contraire à cet esprit.
Principe qui méconnait totalement le principe de séparation des pouvoirs entre le judiciaire et le législatif et doit être sanctionné. Cette méthode est en principe prohibée par l’article 111-3 qui précise que la loi pénale est d’interprétation stricte, arrêt du 30 novembre 1992 : il n’appartient pas aux juridictions correctionnelles de se prononcer par induction, présomption ou analogie ou par des motifs d’intérêt général. ce principe d’exclusion de la méthode analogique doit être nuancé. on va parfois l’admettre dans certains cas, le cas de l’analogie in favorem (favorable au délinquant) ; l’idée est que l’exclusion de la méthode analogique est pour protéger les libertés individuelles du délinquant, si elle ne porte pas atteinte, cette exclusion n’est pas valable. C’est le cas si le juge étend le champ d’application d’une cause d’irresponsabilité pénale.

III. La méthode théologique
C’est un intermédiaire raisonnable entre les deux précédentes. Cette méthode s’attache à la ratio legis qui est la volonté déclarée ou présumée du législateur. On va essayer de comprendre ce que le législateur a voulu faire, ce qu’il a voulu dire, le sens qu’il a voulu donner à la loi. On peut lire les travaux préparatoires par exemple.
Il y a un rattachement à la loi qui va limiter le pouvoir d’appréciation du juge.
- Premier avantage de la méthode théologique : elle permet de rectifier les erreurs de rédaction
- Deuxième avantage de cette méthode : cela permet d’adapter le droit pénal aux évolutions de la société.
Puisqu’on cherche à faire prévaloir l’esprit de la loi, cette interprétation peut être favorable ou défavorable au délinquant. En dépit de ces avantages, il faut reconnaitre qu’il peut y avoir des risques de divergence d’interprétation entre les différentes juridictions. C’est un inconvénient inhérent à l’exercice de toute activité juridictionnelle.

Section 2. Les méthodes retenues

Il faut repartir à l’article 111-4 qui pose le principe de l’interprétation stricte de la loi pénale. Il y aura interprétation mais selon certaines limites.
Les 3 méthodes vont être retenues.
I. L’application de la méthode littérale
L’analyse de la jurisprudence montre qu’elle a parfois été retenue, elle a parfois prédominé. par exemple, la filouterie d’aliments (partir d’un restaurant sans payer). La jurisprudence a refusé de considérer qu’il s’agissait d’un vol, on ne prend pas, on nous donne. Pour un vol il doit y avoir dépossession de biens. Ce n’est pas non plus une escroquerie, ni un abus de confiance. C’est une catégorie à part crée en 1973.
24 juin 1987 : La CA de Paris a considéré que la captation d’image au moyen d’un décodeur pirate ne constitue pas un vol. Dès 1987 le législateur a érigé la captation frauduleuse d’émissions hertziennes en délit.
L’infraction d’homicide involontaire en matière de fœtus n’est pas toujours retenue. Le débat porte sur le fait de savoir si le fœtus est une personne vivante : la tendance jurisprudentielle consiste à dire que non.
II. L’application de la méthode téléologique
C’est la méthode la plus fréquemment utilisé car elle permet de combler des lacunes que la méthode littérale ne peut pas combler. On va surtout l’utiliser pour adapter le droit pénal aux nouvelles formes de criminalité. Le progrès technologique, technique, scientifique est sans précédent, cependant il ne modifie pas la nature des infractions. il y a donc un écart qui s’opère. Le plus souvent les textes qui existent peuvent être appliqués aux nouveaux procédés développés par les délinquants. Il importe peu qu’on fasse application d’un texte à l’égard d’un fait, même si l’existence de ce fait ne pouvait même pas être imaginée lors de la création de l’infraction. On va avoir recours aux objectifs généraux du droit pénal dans lesquelles on trouve une trace de l’esprit du droit pénal.
Exemple concert : CC crim. 1959 Arrêt Théveny : quelqu’un décide de prendre une bicyclette pour faire un tour avec, avec l’intention de la restituer après usage. 1ère école : pas de vol, 2ème école : il y a eu substitution temporaire, il y a eu temporairement une soustraction au patrimoine, pendant qqs temps la personne a eu l’animus et le corpus. La personne a usurpé le bien, même si ce n’est que temporairement.
1912, la CC a considéré que l’appropriation frauduleuse d’électricité constituait un vol.
1856, une règlementation était applicable aux bateaux vapeurs et a été transposée dans un arrêt du 1er avril 1955 aux bateaux fonctionnant avec du diesel. Peu importe le moyen de propulsion, ce qu’il faut c’est réglementer la circulation.
Arrêt Le Pen 1971. En l’espèce une personne connue s’était amusée à imprimer des disques qui faisaient l’apologie des crimes de guerre. Cette impression de disque rentrait-elle dans la législation qui réprimait le même comportement lorsqu’il était réalisé sur un support imprimé ? La CC répond que oui.
III. L’application de la méthode analogique in favorem
L’extension jurisprudentielle des causes d’irresponsabilité pénale.
Exemple tiré de l’article 64 de l’ancien Code Pénal : la démence constituait une cause d’irresponsabilité pénale en matière de crime et de délits. La CC s’est contenté d’étendre cette solution en matière contraventionnelle. Cette extension ne reposait sur aucun support, mais n’a posé aucun problème puisque c’était favorable aux délinquants et qu’il n’y avait aucun obstacle aux libertés fondamentales.
Article 327 et 328 de l’Ancien Code prévoyaient 2 causes d’irresponsabilités : la légitime défense et l’ordre de la loi. La CC a étendu cette cause d’irresponsabilité à toutes les infractions alors qu’auparavant n’en bénéficiaient que les auteurs d’homicides et de coups et blessures.
L’article 328 ne concernait que la légitime défense des personnes, pas pour protéger ses biens. La jurisprudence l’a admis en matière de protection des biens.
Il faut une rigueur dans la méthode d’interprétation mais qui s’accommode des trois méthodes, c’est la diversité dans la rigueur.

Chapitre 3 : L’application de la loi dans le temps et dans l’espace de la loi pénale

Section 1 : L’application de la loi pénale dans le temps

C’est une des matières les plus complexes du droit.
L’écoulement du temps c’est toujours un facteur de complication pour la mise en œuvre des règles de droit.
Axe de référence avec une loi 1, une infraction est commise lors de l’empire de la loi 1, une loi nouvelle change le contenu et le jugement s’opère sous l’empire de la loi nouvelle. Quelle loi appliquer ?
La réponse est donnée par les articles 112-1 à 112-4 qui va conduire à distinguer les règles du jeu applicables pour les lois de fonds et de forme.
I. L’application dans le temps des lois pénales de fond
Il y a 5 catégories de loi qu’on peut placer dans cette catégorie de lois pénales de fond :
- tous les textes d’incrimination : tous les textes qui créent, suppriment ou modifient une infraction existante
- tous les textes de pénalité, tout ce qui vient ajouter, supprimer une pénalité ou la modifier
- tous les textes ou lois qui posent des causes d’irresponsabilité ou d’atténuation de la responsabilité.
- tous les textes concernant l’exécution des peines
- tous les textes qui portent sur la prescription publique et le régime de prescription de la peine.

§1 Les principes applicables

En droit pénal c’est presque plus facile qu’en droit civil de régir l’application de la loi dans le temps, ceci est dû à deux choses
- La non-rétroactivité des lois pénales plus sévères
- L’application rétroactive des lois pénales plus douces
A. Le principe de non-rétroactivité des lois pénales plus sévères
Ce principe est ancien, on le trouvait déjà dans le code pénal de 1810. C’est un peu le corollaire du principe de légalité des délits et des peines : « nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi promulguée [et entrée en vigueur] antérieurement au délit ». Ce texte a été codifié dans les articles 112-1 alinéa 1 et 2 du Code Pénal : « Sont seuls punissables les faits constitutifs d’une infraction à la date à laquelle ils ont été commis. Peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la même date ». Alinéa 1 : Prohibition de l’application rétroactive d’une loi plus sévère. Non rétroactivité des sanctions nouvelles.
Exemple : au moment de l’infraction, la personne encourait 3 ans, au moment du jugement elle encourait 5 ans. Le juge va prononcer 3 ans d’emprisonnement.
Ce principe a une valeur législative mais il a une valeurqui dépasse le cadre législatif. Il y a une consécration de ce principe dans l’article 8 de la DDHC « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi promulguée antérieurement au délit ». Ce principe a donc valeur constitutionnelle.
Au-delà même de la valeur constitutionnelle, il y a une consécration du principe de la ConvEDH « Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui au moment où elle a été commise ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international, de même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. »
B. Le principe de rétroactivité des lois pénales plus douces
Ce 2ème principe est un corollaire du principe de la légalité des délits et des peines. Le principe de non rétroactivité n’a plus lieu d’être lorsque la loi nouvelle est plus favorable pour le délinquant car cela ne menace plus sa liberté individuelle. Ce principe n’a pas été accepté tout de suite par le législateur. C’est l’impulsion de la jurisprudence en 1813 qui a permis d’instaurer ce principe. En 1813, un arrêt de la CC explique que lorsque dans l’intervalle d’un délit au jugement, il a existé une loi pénale plus douce que celle qui existait soit à l’époque du délit soit à l’époque du jugement c’est cette loi plus douce qui doit être appliquée. Ce principe n’a été codifié qu’en 1994. C’est l’article 112-1 alinéa 3 « Toutefois les dispositions nouvelles s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation entrée en force de chose jugée lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ».
Hypothèse de l’assouplissement de la peine après l’infraction : la loi ancienne sera évincée, si c’était 5 ans et 3 ensuite, le délinquant sera condamné à 3 ans.
Il y a plusieurs conditions :
- il faut que la loi soit plus favorable pour le délinquant. Une loi plus favorable est soit une loi qui réduit la sanction applicable soit une loi qui vient assouplir une incrimination. Ex : Avant 1994, l’auteur d’un meurtre encourait une peine de réclusion à perpétuité. Depuis 1994, cela a été réduit à 30 ans.
- Il ne faut pas encore avoir fait l’objet d’une condamnation définitive i.e. entrée en force de chose jugée, on ne peut plus interjeter appel ou former un pourvoi en cassation. Une exception posée par l’article 112-4 du Code pénal : « La peine cesse de recevoir exécution quand elle a été prononcée pour un fait qui, en vertu d’une loi postérieure au jugement, n’a plus le caractère d’une infraction pénale » > dépénalisation. L’infraction n’en n’est plus une. Par exemple le vagabondage était une infraction, un SDF pouvait être arrêté et emprisonné.
Ce principe a une valeur législative mais aussi constitutionnelle par des décisions des 1
9 et 20 janvier 1981 en se fondant sur l’article 8 de la DDHC qui dispose que « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ». On considère qu’une loi nouvelle est plus favorable, la loi ancienne plus stricte n’est plus strictement et évidemment nécessaire. Il n’y a aucune justification pour expliquer qu’on puisse le faire quand c’est plus clément envers les délinquants mais pas quand c’est plus sévère. Il y a également une valeur internationale par l’article 15 §1 du Pacte international des droits civils et politiques.

L’alinéa 3 commence par toutefois ce qui a fait couler beaucoup d’encre : il y a une divergence doctrinale profonde sur la manière d’interpréter ce texte.
- pour certains le terme toutefois introduit une exception. Alinéa 1 et 2 : principe, Alinéa 3 : exception à la non-rétroactivité
- pour d’autres c’est un autre principe du même valeur que le précédent.
Il faut distinguer deux choses qu’ils ne distinguent pas :
- d’un point de vue technique il y a bien un principe et une exception parce que techniquement par la force des choses, la rétroactivité n’est jamais une solution de principe mais toujours une exception.
- on peut se baser sur la valeur des techniques mises en œuvres : à ce moment-là il y a deux principes qui ont la même portées et la même valeur (législative, constitutionnelle, internationale)
§2 Les difficultés d’application
Que faire quand la loi est plus douce sur certains points et plus sévères sur d’autres (lois complexes) ? Une loi qui augmenterait la peine d’emprisonnement mais qui diminuerait la peine d’amende.
La jurisprudence a dégagé deux catégories différentes de lois :
- Des lois divisibles : ce sont des lois qui contiennent des dispositions dont on accepte qu’elles soient appliquées indépendamment. Exemple : loi du 23 décembre 1980. Cette loi comportait deux dimensions, deux aspects. La loi est venue élargir le champ d’infraction ce qui est défavorable et elle a également réduit la sanction applicable ce qui est favorable au délinquant. Un délinquant ne pourra jamais bénéficier à la fois de la rétroactivité in mitius et à la fois de la non rétroactivité des lois non favorables. Il ne peut bénéficier d’un système gagnant-gagnant.
- Des lois indivisibles. ce sont des lois que la jurisprudence refuse d’appliquer de manière distributive. On prend l’ensemble et on l’applique. Elle considère que la loi forme un tout unique, indissociable. Exemple : la loi nouvelle augmente la peine d’emprisonnement tout en réduisant la peine d’amende. Ce sera un bloc indivisible afin que le délinquant ne puisse pas choisir la peine la plus avantageuse en demandant la peine d’amende de la loi nouvelle et la peine d’emprisonnement de l’ancienne loi. on doit déterminer des critères qui vont déterminer si le bloc est plus ou moins sévère. Deux méthodes :
• Appréciation globale. Consiste à rechercher la tendance dominante de sévérité ou d’adoucissement. On considère qu’une peine privative de liberté est toujours objectivement moins bien qu’une peine d’amende. Critère objectif.
• Disposition principale : Cela consiste à déterminer la partie répressive de la loi qui est la plus importante. Une fois que l’on a répondu à cette question on regarde si celle-ci est plus douce ou plus sévère. C’est très subjectif. Par hypothèse, s’il y a deux sanctions, les deux sont importantes sinon on ne le ferait pas. Difficilement applicable.
Comment faire lorsqu’un acte est réalisé en partie avant la nouvelle loi et l’autre partie après ? La jurisprudence considère que tant que tous les faits n’ont pas été réalisés, l’infraction n’est pas constituée. Donc elle appliquera la loi en vigueur lorsque l’infraction sera commise, que la loi soit plus sévère ou non. C’est une conception simpliste qui est fausse et artificielle. Il faut admettre que le 2nd acte n’est rien sans le premier. C’est de la rétroactivité en qqsorte. Politique de l’autruche, on ne regarde que la réalisation de l’infraction.

II. L’application dans le temps des lois pénales de forme

Trois catégories visées aux articles 112-2 et 112-3
- Lois de compétence, d’organisation judiciaires : ce sont celles qui régissent les compétences des tribunaux. Ces lois sont régies par le principe d’application immédiate : elles sont applicables immédiatement sauf si une décision a déjà été rendue en première instance.
- Lois qui déterminent les modalités de poursuites et de forme de la procédure. C’est la même solution que précédemment, il n’y a pas de questions à se poser, jugement ou non, on applique directement.
- Lois qui concernent les voies de recours. On ne s’intéresse pas à la sévérité, le principe est qu’on applique systématiquement ces lois pour toutes les décisions rendues après l’entrée en vigueur de la loi nouvelle
Section 2 : L’application de la loi pénale dans l’espace

2 commentaires:

  1. merci pour l'énorme boulot que vous faites. Cela aide vraiment bien.

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  2. Merci pour tous ces compliments :-) Je suis contente de voir que le blog est utile ! Bon courage à vous !

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