3.14.2012

Droit civil 14.02.12

2. L’assureur

Deux types d’assurances :
- L’assurance de responsabilité : qui va courir les conséquences de la responsabilité de l’assuré
- L’assurance de dommage pour les dommages subis par l’assuré

a) L’assurance de responsabilité

Soit la victime assigne l’assureur du responsable : assignation directe. Soit le responsable va lui-même contacter son assureur.
Or, il n’y a pas de lien entre la victime et l’assureur du responsable donc elle ne devrait en principe pas pouvoir agir contre elle mais c’est la loi qui donne cette possibilité à la victime (loi de 1930). S’il n’y avait pas cette loi, la citation directe ne serait pas possible et la victime devrait agir contre le responsable qui contacterait alors son assureur.
Jusqu’en 2000, il était obligatoire d’assigner et l’assureur du responsable et le responsable. La CC° a modifié sa position depuis un arrêt du 7 novembre 2000 : elle a abandonné cette exigence ; on n’est plus obligée d’assigner le responsable. Mais dans la plupart des cas, il vaut mieux assigner les deux pour une question d’opposabilité au jugement.
Il est impératif d’assigner l’assureur ; s’il n’est pas dans la procédure, le jugement ne lui sera pas opposable. En droit, la pratique est parfois beaucoup plus souple.

b) L’assurance de dommage

Hypothèse où la victime avait une assurance de dommage et sa propre assurance l’a indemnisée. Lorsque l’assurance dommage a indemnisé l’assuré, elle est subrogée dans les droits de son assuré. C’est prévu par la loi.
En pratique, dans le cadre de la procédure, la victime et son assurance seront souvent côte à côte.

§3. Les difficultés particulières en matière de réparation

Deux cas où ça pose problème :
- Les prédispositions pathologiques de la victime
- Question de la minimisation du dommage

A. Les prédispositions pathologiques

Hypothèse d’une victime qui, à la base, souffrait d’un handicap. Hypothèse d’une victime qui souffrait déjà d’un handicap à la base. Comment faire si celui-ci s’accroît à la suite d’un accident ? Doit-on tenir compte du handicap de base pour indemniser ?
Jurisprudence et doctrine assez contradictoire et hésitante.
• 1ère hypothèse : état pathologique existant mais sans manifestation extérieure avant l’accident. Dans cette hypothèse, l’indemnisation doit être totale (pas de distinction entre avant et après). Motif : l’affection dont souffrait la victime n’a été révélée que par le fait de l’accident.
→ Arrêt chambre criminelle 14 février 1996 : victime qui, suite à un accident, décède d’un infarctus. La CA de Chambéry déclare la demande d’indemnisation irrecevable au motif qu’elle était atteinte d’une pathologie cardiaque avant l’accident dont aucun lien direct entre l’accident et le décès. Cassation : on ne doit pas tenir compte du handicap quand il n’est pas révélé avant l’accident.
La nomenclature Dintilhac n’a pas modifié cette position.

• 2ème hypothèse : un état pathologique constituant une invalidité permanente. On considère qu’on doit prendre en compte le handicap existant et donc le responsable n’indemnisera que la partie du handicap qui s’est aggravée suite à l’accident.

• 3ème hypothèse : il y a incapacité à la base mais le fait dommageable a totalement modifié le handicap.
→ Arrêt civ. 1ère 28 octobre 1997 : responsabilité médicale. Personne qui a un problème de myopie, se fait opérer, mais il devient aveugle. Incapacité fixée à 70%. La CA estime que le taux de responsabilité n’est que de 45%. Cassation car l’accident n’a pas fait qu’aggraver un handicap mais a transformé la nature de l’invalidité. Indemnisation totale.

Que se passe-t-il lorsque la victime indemnisée, voit son cas s’aggraver ou s’améliorer ?
En cas d’amélioration, aucune restitution possible.
En cas d’aggravation, la JP considère qu’un nouveau préjudice autonome est né et la victime pourra de nouveau prétendre à des d&i.

B. Le problème de la minimisation du dommage

Victime d’un dommage qui a la possibilité qui a la possibilité de peut-être réduire son préjudice mais ne le fait pas. Courant de pensée inspiré des droits anglo-saxons.

1. La jurisprudence de 2003

1ère fois que la CC° a traité de cette question. Deux arrêts en date du 19 juin 2003, civ. 2ème :
→ Le 1er : personne victime d’un accident de la circulation qui se trouve suite à cela atteinte de troubles psychiques. Son médecin l’invite à faire une rééducation neurologique et psychologique. Elle fait une procédure et demande indemnisation de son handicap. CA estime que son refus de pratique des soins est une faute qui a encouru à la persistance des troubles ; moins d’indemnisation en tenant compte de la faute. Censure de la CC° : « Premièrement, l’auteur de l’accident doit réparer toutes les conséquences dommageables. […] La victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable. » Solution logique. On ne peut pas forcer quelqu’un à se soigner, principe affirmé depuis 1997, la CC° estime que le refus de soin est un droit est n’est jamais fautif. C’est dû au scandale du sang contaminé.

→ La CC° est allé plus loin dans le 2ème arrêt : accident de la circulation, préjudice corporel. Mère et fille victimes d’un accident de la circulation. Elles tenaient un commerce fleurissant. Fond de commerce qui a péri suite à l’accident. Elles demandent une indemnisation pour cette activité qu’elles n’ont pas pu reprendre en invoquant la perte de chance. Selon la CA, elles ont commis une faute en n’engageant pas de gérant. La CC° a répondu que l’auteur d’un accident doit réparer toutes les conséquences dommageables. La victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable.
Refus de la « mitigation », tiré du droit anglo-saxon : la victime a un devoir d’agir après un dommage pour faire en sorte que ce dommage soit le plus limité possible. Idée de responsabiliser la victime.
Le 1er pays à avoir intégré le principe de la mitigation est l’Angleterre dès le 19ème.
En droit français, le principe de la minimisation du dommage se heurte à la notion de réparation intégrale du préjudice.

Pour rendre son jugement, le juge doit indemniser la victime en se plaçant au jour du jugement. Il peut apprécier le comportement de la victime durant cette période.

En droit anglo-saxons, les juges se placent au moment de la réalisation du dommage ou, en matière contractuelle, au moment de l’inexécution du contrat. Les droits anglo-saxons ont une vision économique du droit et estiment les mesures qui auraient dû être prises pour limiter le dommage.

2. L’évolution ultérieure de la jurisprudence

Deux arrêts de la 3ème chambre civile du 1er mars 2006 :
Problème de dommage ouvrage. Ils ont assigné leur assurance dommage. Assurance responsabilité décennale. Ce sont les 2 assurances de responsabilité décennale qui doivent indemniser ; elles se retournent alors contre l’assurance de dommage ouvrage.
La CC ne suit pas et considère qu’il appartient à l’assureur de la responsabilité décennale de prendre toute mesure utile pour éviter l’aggravation. Elle était à même de faire cesser le préjudice en finançant elle-même les travaux de réparation nécessaires à la remise en état de l’ouvrage. La CC° n’a pas qualifié l’obligation de minimiser le dommage mais on en revient à ça.

→ Arrêt du 24 novembre 2011 civ. 1ère : pas de préjudice corporel mais préjudice matériel pur. « En statuant ainsi sans caractériser la faute de l’assuré ayant causé l’aggravation de son préjudice matériel, la CA a violé les textes susvisés. »

Les arrêts de 2003 concernent des accidents corporels alors que ceux de 2006 et 2011 concernent des préjudices patrimoniaux. Mais cette idée n’est pas forcément convaincante car arrêt de 2009 qui semble admettre implicitement la mitigation alors qu’on est dans le cadre d’un préjudice corporel.
→ Civ. 2ème du 22 janvier 2009 : personne victime d’une agression. C’était le propriétaire d’un restaurant par le biais d’une société. Sa moins value est estimée à 69 000€. La CA ne lui attribue que 30 000€ au motif qu’il aurait pu vendre au meilleur prix. Censure de la CC° : la 2ème chambre civile rappelle le principe de la réparation intégrale du préjuice mais elle prend cependant en compte l’attitude de la victime, « la CA retenait que la vente des actions constituait une mesure de gestion raisonnable ».
Projet de réforme en droits des obligations qui avalise la mitigation.

Section II : La responsabilité du fait personnel ou responsabilité pour faute

Articles 1382 (vise la faute) et 1383 (vise la négligence et l’imprudence) du Code civil. Au sens de l’article 1382, c’est la faute intentionnelle ou faute délictuelle.
Au sens de l’article 1383, c’est la faute non intentionnelle ou quasi délictuelle.

Articles 1382 à 1286 : on oppose responsabilité délictuelle à responsabilité contractuelle. Quand le dommage est né à la suite d’une mauvaise exécution d’un contrat, ces articles sont inapplicables. Quand on est face à une inexécution contractuelle, il faut démontrer qu’il y a une faute contractuelle qui ne correspond pas forcément à une obligation délictuelle.

Si la faute contractuelle correspondait à une faute délictuelle : le fondement de son action sera nécessairement contractuel. Il y a deux principes :
- Principe de non cumul des deux ordres de responsabilité. Il ne faut pas se tromper de fondement.
- Primauté de la responsabilité contractuelle sur le délictuel

Hormis cette réserve, la responsabilité délictuelle pour faite à vocation à s’appliquer dès que la faute a pour origine un dommage, sauf si un texte spécifique écarte son application.
En droit commun de la responsabilité civile, la victime va devoir prouver le dommage et la faute.

Sous-section 1 : La notion de faute

C’est une notion de droit soumise au contrôle de la Cour de cassation. Cela remonte à un arrêt de 1873. Si les juges du fond apprécient souverainement les faits, d’où ils déduisent l’existence ou non de la faute, la qualification juridique de la faute relève du contrôle de la Cour de cassation.

Faute au sens des articles 1382 et 1383 : pour la CC, notion vague. La faute civile n’est pas réellement légalement définie. Quand il n’y a pas de définition légale, la doctrine a pris le relai.

Ripert a nié le fait de pouvoir définir la faute.

Éléments constitutifs de la faute ont été rapidement mis en avant. En 1846, Rivière a dit que la faute est tout fait contraire à la règle, càd au droit, et qui est imputable.

En 1859 Macadet dit que c’est un acte illicite et imputable à la fois.

Ces différentes définitions révèlent que la faute est composée de deux éléments : l’illicéité et l’imputabilité. Cette vision de la faute a perduré jusqu’en 1984. Depuis, la CC° a abandonné cette vision dualiste de la faute et a affirmé que la faute ne pouvait se réduire qu’à l’illicéité.

§1. La faute : acte illicite

La notion d’illicéité trouve son origine en droit romain dans la loi Aquila ; elle a été mise en évidence dès le milieu de 19ème avec Rivière.
Planiol a défini l’acte illicite comme la violation d’une obligation préexistante.
D’autres ont parlé d’erreur de conduite.

Différents cas : quand les obligations sont imposées par la loi et qu’elles sont violées, l’acte illicite est avéré. Tout individu est tenu d’une obligation de prudence et de diligence pour éviter de porter principe à autrui. On distingue alors la faute intentionnelle et la faute non intentionnelle.

A. La distinction de la faute intentionnelle et de la faute non intentionnelle

La faute intentionnelle se définit par la volonté de causer le dommage. Classiquement, on a tendance à dire que la faute intentionnelle révèle l’intention de nuire.
Souvent, l’idée principale et l’intérêt personnel et l’intention de nuire passe au second plan.
En matière de responsabilité contractuelle, on parle de faute dolosive. La CC° est plus souple pour l’admettre → arrêt du 4 février 1969 : la CC° se contente du refus délibéré d’exécuter sa prestation pour admettre la faute dolosive. En matière d’assurance, la CC° a indiqué qu’il fallait la volonté de causer le dommage.

La faute non intentionnelle : l’auteur a généralement voulu l’acte mais pas le dommage.
1. Appréciation de la faute, acte licite

Comment apprécie-t-on la faute dans son élément d’illicéité ?
La faute d’imprudence s’apprécie in abstracto. Référence au bon père de famille. Le juge se demande quelle aurait été l’attitude d’un homme normalement raisonnable dans une situation identique.

S’agissant de la faute intentionnelle, la référence au modèle abstrait ne va pas suffire : entrée d’un élément psychologique. Il est habituel de dire que les juges procèdent à une appréciation in concreto ; ils doivent procéder à une investigation psychologique. Cela n’aboutit qu’avec les aveux de la victime. S’il n’y a pas d’aveux, le juge se livre aux reconstitutions pour savoir si c’est une faute d’imprudence ou intentionnelle.

2. Quel est l’intérêt de distinguer les deux ?

En matière délictuelle, il n’y a pas de gradation de la faute. Pour la moindre faute, du moment qu’elle est retenue, la responsabilité de l’auteur est engagée. Dans les articles 1382 et 1383, ces distinctions n’ont pas lieu d’être.

La jurisprudence ne fait pas de distinction entre les deux : c’est le principe de l’unité de la faute civile. La CC° le rappelle régulièrement : l’article 1382 n’exige pas l’intérêt de nuire.

On est parfois obligés de distinguer les deux. Lorsque l’on est dans une faute intentionnelle, la plupart du temps, la victime n’a pas à faire la preuve du lien de causalité. L’assurance ne couvre pas les dommages résultant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré. Prévu par l’article L113-1 alinéa 2 du Code des responsabilités.

Si quelqu’un veut causer un dommage mais que le résultat escompté est plus important que ce qu’il voulait, que vont prendre en compte les assurances ?
Les victimes ne pouvaient pas demander d’indemnisation.
→ Arrêt civ. 1ère 10 février 1972 : l’assurance responsable n’avait rien payé car c’était une faut globale donc ce n’est pas à elle d’indemniser.

Depuis quelques années, la CC° dit qu’il faut distinguer ce qu’a voulu le responsable et ce qu’il s’est passé.
→ Civ. 1ère 1986 : incendie d’un cinéma qui a conduit à l’explosion des maisons voisines. La CC° a estimé que seul les dégâts causés pour le cinéma ne seront pas indemnisés par l’assurance responsable mais elle devra indemniser pour les maisons voisines.

Jurisprudence restrictive ; souhait de toujours considérer la faute intentionnelle comme intention de nuire et que les conséquences en fasse partie.

B. Distinction de la faute de commission et d’omission

Peut-il y avoir une faute quand un individu n’agit pas ?
Oui, mais en matière pénale, le postulat de la liberté s’y oppose (liberté de ne pas agir). Il n’y avait donc pas de sanction jusqu’au milieu du 20ème siècle. Ce n’est qu’après qu’on a commencé à prendre en compte la faute pénale d’omission, notamment l’omission de porter secours en 1954.

En civil, la CC° a admis en 1951 qu’une omission pouvait être constitutive d’une faute → affaire Branly du 27 février 1951 (TD) : historien qui écrit un article sur l’invention de la TSF. Il ne mentionne pas l’inventeur Branly parce qu’il conteste la portée de ses travaux. Procédure engagée contre cet historien qui a omis de faire référence à Branly. La CC° considère qu’il avait un devoir d’objectivité et qu’il aurait dû s’en tenir aux faits. Au visa de l’article 1382 et 1383, elle a affirmé que la faute peut constituer aussi bien dans une abstention que dans un acte positif.

Comment savoir quand l’omission est fautive ? Appréciation in abstracto ; référence au bon père de famille.

C. L’acceptation des risques

En matière de compétition sportive, la faute d’imprudence présente des particularités. Elle est moins facilement admise que dans les autres secteurs d’activité. On considère que dans ce domaine, il y a une sorte de permission légale à accomplir des actes qui seraient constitutifs de fautes dans la vie courante. On considère que c’est dû au feu de l’action. En matière sportive, on va surélever la barre de la faute. La CC° exige un manquement caractérisé aux règles de jeu.
Toutefois, il y a des conditions : l’acceptation des risques ne joue qu’entre participants à une même activité. Le risque doit aussi avoir été accepté en toute connaissance de cause. Il doit enfin correspondre à un risque normal, inhérent à la pratique du sport en question.
Quand les conditions sont réunies, l’acceptation fait échec à la victime sur la demande de la faute d’imprudence. Pour obtenir une indemnisation, elle devra prouver une faute caractérisée.
→ Arrêt civ. 2ème 2005 : match de rugby. Il faut une faute caractérisée. Il ne s’agit pas d’une faute de jeu mais une faute dans le jeu ; on veut sanctionner l’excès sportif.

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