3.08.2012

Droit civil ( cours avant les vacances)

 L’acceptation des risques dans le risque des compétitions sportives entrainait une certaine spécificité de la faute.
Le devenir de l’acceptation des risques. C’est un domaine qui a tendance à se restreindre comme une peau de chagrin. Au départ elle était opposée à la victime pas seulement dans le cadre des activités sportives mais dans toutes les activités de loisirs. Jusqu’en 1999 on a des jurisprudence où l’on refuse l’indemnisation de la victime dans des activités de loisirs. Dans les années 2000, lorsqu’on s’est trouvé face à des activités surtout d’enfant, la CC a commencé à considérer que lorsqu’il s’agissait de jeux de sports en dehors de compétition, l’acceptation des risques ne jouait pas : Civ 2 28 mars 2002. On a un jeu improvisé, une petite fille joue au tennis avec une batte de baseball, elle reçoit une balle dans l’œil. La CA applique l’acceptation des risques en refusant d’indemniser, la CC censure en disant que le dommage s’est produit dans le cadre d’un jeu improvisé par des mineurs et non dans le cadre d’une compétition sportive et l’enfant a été indemnisé. Cet arrêt est suivi d’une autre de l’Assemblée Plénière de 2002 où la solution est la même (jeu qui mélange rugby et football américain – enfant plaqué tétraplégique). Il y a une censure et la CC considère que puisqu’on est dans le cadre d’un jeu improvisé, l’acceptation des risques ne peut pas prévaloir on ne peut pas l’appliquer.
On a beaucoup d’arrêts qui ne visent que les compétitions sportives, mais d’autres font référence à l’entrainement : Civ 2 8 février 2006.
La CC avait également considéré que lorsque l’on était dans le cadre d’une compétition, l’acceptation des risques faisait reculer le seuil de la faute, et on empêchait aussi d’utiliser la responsabilité de plein droit, lorsqu’une faute cause un dommage : la responsabilité du fait des choses 1384 alinéa 1. Un arrêt du 4 novembre 2010 remet en cause cette solution classique. La CC estime que la victime d’un dommage causé par une chose peut invoquer contre le gardien de la chose l’article 1384 alinéa 1. La CC précise « sans que puisse lui être opposée l’acceptation des risques ». Si la jurisprudence de 2010 se maintenait, l’acceptation des risques ne concernerait plus que la faute et non plus la responsabilité du fait des choses. Serait-ce la fin de l’acceptation des risques ? C’est désormais assez résiduel.

§2 La faute acte imputable à son auteur
L’imputabilité peut avoir un sens matériel : on va imputer un dommage à quelqu’un. L’imputabilité rejoint le lien de causalité dans ce sens.
L’imputabilité peut avoir un autre sens, on peut en faire un élément particulier de la faute. On va entendre alors le terme d’imputabilité dans un sens subjectif. C’est l’idée qu’aucune faute ne peut être retenue contre un individu s’il n’a pas le discernement suffisant pour se rendre compte de son acte. L’individu doit avoir eu conscience du caractère illicite de son acte. à l’origine, il fallait un acte illicite mais aussi l’imputabilité. Les jeunes enfants qui n’avaient pas le discernement suffisant ne pouvaient être responsables pour faute. L’irresponsabilité de l’inconscient a été posée très tôt par la jurisprudence en 1866. Il fallait ces deux éléments cumulatifs. Lorsque l’on était face à un enfant qui avait causé un dommage, il fallait commencer par déterminer s’il avait le discernement suffisant, sinon il n’était pas fautif. Petit à petit on a appelé cette faute la faute subjective.
L’imputabilité s’est retrouvée contestée. dès 1930 il y a eu des attaques répétées de la doctrine qui a contesté cette notion de faute subjective et qui a prôné la faute objective qui est réduite à la simple illicéité. En tête Mazaud, Tunk, De Jean de la Batie, Jourdain les poids lourds. D’autre part, on a eu un affaiblissement de la notion de faute de la part du législateur qui a instauré un article en 1968, l’article 489-2 du Code civil devenu actuellement l’article 414-3 du Code civil. Il s’est avéré qu’il était difficilement conciliable avec la faute classique. En 1984 la CC a abandonné l’exigence de l’imputabilité.
A. La difficile conciliation de l’article 489 du Code civil et de la faute subjective.
Cet article a vu le jour en 1968 au moment de la réforme de la majorité et de la tutelle « celui qui a causé un dommage à autrui, alors qu’il était sous l’empire d’un trouble mental n’en est pas moins obligé à réparation ». En 1968 le principe traditionnel de l’irresponsabilité de l’inconscient a donc été aboli puisqu’un inconscient peut être responsable civilement s’il cause un dommage. Il faut qu’il ait commis un acte illicite.
A qui s’applique ce texte ? Est-ce qu’il s’applique uniquement aux majeurs déments ou à tous les déments ?
Cet article est présent sous un titre concernant les majeurs incapables. Certains auteurs ont eu l’idée de l’interpréter de manière restrictive, Le Tourneau notamment. La CC n’a pas suivi cette vision restrictive de cet article. En 1976 elle a précisé que l’obligation de réparation prévue à l’article 489-2 concerne tous ceux majeurs ou mineurs qui sous l’exercice d’un trouble mental ont causé un dommage à autrui. Civ 1ère 20 juillet 1976.
Il y a eu une autre réforme des tutelles en 2009. L’article est donc devenu l’article 414-3 mais l’énoncé est toujours le même.
Quelle est l’incidence de l’article 489-2 du Code civil sur la notion de faute ?
Il est inévitable que cette question se pose car on se retrouve face à une incohérence. Est-ce qu’on doit assimiler l’article 482-2 à l’article 1382 ? Il y a eu des hésitations. Arrêt du 7 décembre 1977 la 2ème chambre civile est venue réaffirmer son attachement à la faute subjective. Dans cette affaire un enfant incendie des bottes de paille. Il n’a pas été considéré comme responsable car son discernement n’est pas démontré (1382).
Tous les ans la CC fait un rapport sur ses activités. Elle met en avant ce qui est important. Dans ceux de 1976 et 1977 elle a précisé que l’article 489-2 créait un système de responsabilité sans faute et n’était pas 1382.
B. 1984 : la disparition du critère de l’imputabilité
Le 9 mai 1984 on a 5 arrêts de l’Assemblée Plénière qui traitent de l’enfant. La CC s’est prononcée sur la responsabilité parentale et celle de l’enfant.
Concernant la responsabilité de l’enfant on a deux arrêts où il s’agit d’enfants victime auxquels on oppose une faute qu’ils auraient commis et qui entrainerait un partage de responsabilité. La faute de la victime n’a pas de spécificité pour le moment ; elle est appréciée de la même façon :
- Berghini. Une petite fille de 5 ans s’est faite renversée par une voiture. Elle rentre de l’école, elle traverse sur un passage protégé, il y a des panneaux de signalisation indiquant la présence d’enfants. Cabannes reproche à l’enfant de s’être jetée sous la voiture qui était en fait à 10m. La conductrice roulait beaucoup trop vite. L’enfant ayant eu peur elle a fait demi-tour au lieu de continuer. Ce reflexe a été considéré comme une faute. Mlle Vigneux « retenir la moindre peccadille que l’on baptise faute pour l’occasion ». Extrême sévérité des juges de la CC.
- Lemaire. Un adolescent de 13 ans est électrocuté en vissant une ampoule. Il est allé dans l’étable de ses parents qui avait été complètement refaite. Il se rend compte que l’ampoule ne fonctionne plus, il coupe l’interrupteur, il dévisse l’ampoule, en met une autre et se retrouve électrocuté. Il meurt. Il a été électrocuté car l’installation était mauvaise. la CC a considéré qu’il aurait dû couper au compteur et qu’il est responsable à 50%.
Dans les deux affaires la CC ont affirmé que les juges du fond n’étaient pas tenus de vérifier si le mineur était capable de discerner les conséquences de ses actes, « l’acte illicite suffit ». C’est donc l’abandon en 1984 de l’imputabilité.
S’il y a une faute de la part de la victime on s’en remet à l’appréciation souveraine des juges du fond. Les enfants ont été reconnus responsables à 50%.
Depuis la CC sanctionne systématiquement les juges du fonds quand ils rejettent la faute de l’enfant pour un manque de discernement. Quel que soit son âge, un enfant peut être poursuivi et peut être responsable du dommage qu’il a causé.
Pourquoi abandonner l’imputabilité ? L’imputabilité apparaissait comme un obstacle à la réparation. Quand un enfant causait un dommage et était trop jeune, la faute de l’enfant n’était pas reconnue et la victime ne pouvait pas être indemnisée en poursuivant l’enfant. Dans ses conclusions l’avocat général Cabannes sur les arrêts de 1984 affirme que « l’absence de discernement ne doit pas faire obstacle à l’obligation de réparation ».
C’est également un obstacle à l’indemnisation des enfants victimes.
Chabasse « La logique juridique est un piège »
Comment apprécie-t-on si un enfant a commis un acte illicite ou non ? Théoriquement on est dans une appréciation in abstracto totale par rapport au comportement du bon père de famille. dans 90% des cas le comportement d’un enfant va être considéré comme un acte illicite par rapport au bon père de famille, ce n’est pas comparable. On a de nombreuses décisions qui qualifient de faute des comportements qui n’apparaissent illicites qu’aux yeux d’un adulte pondéré 28 février 1996 : une fillette de 8 ans joue sous la table, se relève brusquement et se met à courir. Elle court vers un autre enfant qui a une casserole d’eau bouillante et ça la brûle. CA : appréciation in abstracto par rapport à ce que ferait un enfant du même âge et non au bon père de famille. Compte tenu de l’âge de la victime l’acte était prévisible. Censure brutale de la CC « un tel comportement constitue une faute ».
Si l’avant-projet de réforme de droit des responsabilités aboutissait, cela réintroduirait le discernement quand il s’agirait d’apprécier la faute de la victime.


Sous-section 2 : Le lien de causalité
Cette exigence du lien de causalité ressort de l’article 1382.
§1 La notion de causalité
En ce qui concerne la faute d’imprudence, la vicitme doit prouver que sans cette faute, le dommage n’aurait pas eu lieu. La difficulté vient de ce que la plupart du temps le dommage a plusieurs causes. Il résulte de la combinaison de multiples éléments : c’est la difficulté en matière de causalité. Diverses théories doctrinales ont été développées et la jurisprudence n’a pas franchement tranché.
A. Les différentes théories doctrinales
Il est devenu traditionnel d’invoquer en matière de théorie doctrinale celle de l’équivalence des conditions et celle de la causalité adéquate. Il y a aussi des théories dérivées.
1. L’équivalence des conditions
C’est une théorie très extensive d’un auteur allemand du 19ème. Selon cette théorie tous les faits qui, à un titre quelconque, ont entrainé le dommage doivent être considérés comme en étant la cause. Du moment que chacun des faits a été indispensable à la réalisation du dommage ils sont considérés comme en étant la cause, il n’y a pas de sélection faite. C’est la notion de condition nécessaire au dommage qui a été dégagée par les partisans de cette théorie. Certains auteurs estiment que cette théorie est exagérée car on peut aller très loin avec cette théorie. Elle a au moins l’avantage de mettre en évidence qu’un dommage peut avoir plusieurs causes.
2. La causalité adéquate
Apparemment c’est une théorie qui apparait beaucoup plus restrictive que la précédente. Elle conduit à faire un tri entre les différents évènements qui ont conduit au dommage. Elle n’accorde la qualification de cause qu’à certains évènements. Elle opère une hiérarchie. On sélectionne seulement les faits qui contiennent une possibilité objective de résultats. Les partisans de cette théorie parlent de probabilité, de prévisibilité. Cette théorie n’amènerait à retenir qu’une seule cause du dommage. Ceci étant, ce n’est pas toujours le cas, dans les cas douteux on ne peut pas dire que l’évènement a forcément été la condition sine qua none, on se heurte au problème de la causalité et on va utiliser la causalité adéquate.
Ex : un accident dont les circonstances sont indéterminées. On n’est pas certain que la vitesse soit la condition sine qua none de l’accident. Le lien de causalité n’est défini. Si on utilise la causalité adéquate : si on roule vite la probabilité d’un accident est importante.

B. L’utilisation des deux théories par la jurisprudence
On enseigne généralement que la jurisprudence opte pour la causalité adéquate car la CC utilise le terme de cause génératrice du dommage. La CC n’a jamais repris la terminologie de causalité adéquate ou d’équivalence des conditions. La terminologie de la doctrine n’est pas reprise. On trouve le terme de cause directe. Ce n’est pas pour autant qu’ils ont opté pour la causalité adéquate, la CC ne veut s’enfermer dans aucun système. La CC veut conserver sa liberté. Si certaines décisions retiennent la causalité adéquates, d’autres retiennent l’équivalence des conditions. Cela dépend des circonstances.
Civ 2 27 juin 2000. Accident de la circulation, l’auteur est responsable sur 1382, la victime fait l’objet d’une intervention chirurgicale qui ne fonctionne pas bien et la victime se retrouve avec la lésion d’un œil. Elle souhaite l’indemnisation de son préjudice pour la lésion de son œil. La victime agit contre le responsable de l’accident. Pourquoi ne pas agir contre le médecin ? On est dans l’hypothèse d’un aléa thérapeutique, il n’y a pas de faute. Il faut agir contre l’auteur du dommage. tout dépend de l’option que l’on prend. Si l’on prend la causalité adéquate, la victime restera sans indemnisation. CA : l’atteinte oculaire est due à l’intervention thérapeutique. Censure de la CC : l’intervention a entrainé le trouble a été rendue nécessaire par l’accident.
Civ 1 4 décembre 2001. Accident de la circulation. La victime est transfusée et est contaminée par l’hépatite C. La victime a assigné le centre de transfusion sanguine. Mais le centre de transfusion sanguine fait un appel en garantie contre l’auteur de l’accident. Y a-t-il un lien de causalité ? L’accident est bien la condition sine qua none. Sans l’accident, la transfusion et la contamination n’auraient jamais eu lieu = équivalence des conditions. CA : retien que la responsabilité du centre de transfusion. CC : Censure la CA. les transfusions sanguines ayant entrainé la contamination avaient été rendues nécessaires par l’accident imputable à M. Y.
12 octobre 2000 Affaire Bellemarre. Un homme a décidé d’aider son voisin et a pris son tracteur pour aller faucher bénévolement le champ des parents. Il va voir la fille des voisins sur qui il a des vues. La jeune fille monte avec ses sabots. Elle glisse, elle retombe mal sur ses sabots et se brise la cheville. Elle va dans une clinique et une infection se déclare, on doit amputer la jambe. Elle poursuit le jeune homme, comme il a un tracteur il est responsable sur le fondement de 1384 alinéa 1 : responsabilité du fait d’une chose.
Civ 2ème 13 juillet 2006 : accident de la circulation. La victime a une fracture du tibia. Des années plus tard elle glisse au ski et a de nouveau une fracture. Expert : Le fait traumatique est survenu sur un état prédisposant qui était la conséquence du 1er accident. La même chute sur un os intact n’aurait pas engendré les mêmes fractures. La CC refuse et applique la causalité adéquate. « La cause immédiate du dommage c’est la glissade ».
24 février 2005. Une victime d’un accident de la circulation est handicapée. Ses enfants font une procédure parce qu’ils ont un père handicapé. S’il n’y avait pas eu d’accident il ne serait pas handicapé. La CC utilise la causalité adéquate : « il n’y a pas de causalité entre l’accident ayant causé le handicap et le préjudice moral des enfants nés après l’accident ».

§2 Les difficultés particulières en matière de causalité
Deux hypothèses
- un dommage dû à un groupe
- en cas de pluralité de causes du dommage

A. Le dommage occasionné par un groupe identifié
Ex : un groupe d’enfant joue au foot, le ballon arrive sur la route et provoque un accident. Impossible de savoir qui a envoyé le ballon. C’est assez classique dans les accidents de chasse.
La jurisprudence exige un rapport certain et direct entre la faute et le dommage. Le problème est que l’on sait que c’est quelqu’un dans le groupe mais on ne sait pas qui. La solution logique serait de dire que l’on ne peut pas faire la preuve du lien de causalité puisqu’on ne sait pas qui a commis la faute, pas de responsabilité et pas d’indemnisation pour la victime. Cela a été la solution de la CC pendant longtemps.
8 janvier 1912. Des jeunes jouent au foot et le ballon casse une vitrine, une fillette est blessée, elle n’a pas eu d’indemnisation.
Cette jp a été approuvée par une doctrine quasi unanime. Une seule personne s’est élevée contre cette solution : Ripert. Il la juge inéquitable côté victime. La jp a progressivement admis la responsabilité des membres du groupe quand le responsable du dommage n’était pas identifié. Elle a retenu dans un premier temps la faute collective.
6 juin 1957 : 8 chasseurs clôturent la fin de la chasse, ils tirent une salve. Un tombe. La CC a condamné les 7 chasseurs in solidum pour une faute d’imprudence qui leur est imputable à tous.
En 1967 (Civ 1ère 7 juillet 1967) refus dans le cadre de jeux de ballons d’indemnisation car il était impossible d’identifier celui qui a lancé le ballon.

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