4.16.2012

fin du cours de droit civil

  1. L’intérêt déduit du nouveau texte au regard du nouveau droit commun existant.



Avec la nouvelle loi, l’article 1386-8 exige que la victime prouve un dommage, un défaut du produit et un lien de causalité qui doit être prouvé. En droit commun, il n’est pas toujours nécessaire de prouver le lien de causalité, la victime peut être aidée par les présomptions. Le lien de causalité n’est pas nécessaire pour la responsabilité contractuelle.

Le lien de causalité n’est pas toujours facile à prouver notamment en matière de produits médicaux. La jurisprudence s’est assouplie. A partir de 2001, en droit commun, la jurisprudence a posé une présomption d’imputabilité du dommage au produit. Cela a commencé avec les transfusions de sang avec la contamination du Sida. Une obligation de sécurité résultat avait été créée pour la transfusion de sang. La loi du 4 mars 2002 a entériné cette obligation de sécurité résultat

Pour les autres produits médicaux, la Cour de cassation considère qu’à partir où il y a une présomption grave, précise et concordante, le lien de causalité est établi. Il y a une décision, 24 janvier 2006 rendue pour la maladie de la vache folle et un CCass., 27 février 2007. Il y a trois arrêt, 22 mai 2008 qui ont confirmé cette position. CCass., 24 septembre 2009 a créé une présomption d’imputabilité pour le Distilbène.

L’action est moins ouverte pour la victime qui ne pourra agir que contre le producteur s’il est désigné. En matière de responsabilité contractuelle ou en matière de garantie des vices cachés, on prend toutes les personnes de la chaîne de distribution. Si le producteur est identifié, on n’a pas le choix d’agir contre quelqu’un d’autre.

L’indemnisation est plus réduite sur le fondement de 1386-1 parce que l’article 1386-2 indique que la victime va être indemnisée pour le dommage qu’elle a subit mais le bien défectueux ne sera pas indemnisé.

Il y a prescription au bout de 10 ans à compter de la mise en circulation du produit. L’article 1386-5 dit que la mise en circulation est unique et que c’est le moment du lancement du produit. C’est à partir de ce moment que la prescription va courir. A partir du moment où on découvre un défaut dans les 10 ans, la victime à 3 ans pour agir. En droit commun, les prescriptions sont de 5 ans en matière de responsabilité délictuelle sauf pour les dommages corporels pour lesquels, c’est 10 ans, à compter de la découverte de la faute.

L’exonération est la même qu’en droit commun. En revanche, au niveau de l’exonération totale, le producteur a la possibilité d’invoquer le risque de développement, selon l’article 1386-11. C’est l’hypothèse où il avait bien un défaut au moment de la mise en circulation du produit mais les connaissances scientifiques et techniques de l’époque ne permettaient pas de les déceler. En matière de produits issus du corps humain, les producteurs ne pourront pas s’exonérer en évoquant le risque de développement. Cette exonération n’existe pas avec le droit commun. Cette exonération permet, selon la prof, de réintroduire la faute. Les articles L221-1 et suivants du Code de la consommation disent que les produits doivent présenter une certaine sécurité.

On se demande si les victimes vont pouvoir continuer à utiliser indifféremment le droit commun classique ou le droit issu de la directive. La victime dispose d’un choix. La Grève avait des dispositions similaires au droit français et elle a été condamnée par la CJCE, 25 avril 2002 qui dit que « quand un produit est défectueux, seul le nouveau texte doit être invoqué, même si les droits de la victime se trouvent restreints ou diminués ». Il y a une application unitaire.

CJCE, 10 janvier 2006 a précisé que « la directive n’exclue pas l’application du droit commun sur les fondements différents tel que la faute ou la garantie des vices cachés ».

Le problème du Distilbène : TGI Nanterre, 04 mai 2002 condamne le laboratoire sur le fondement de l’article 1382.

L’affaire de l’hormone de croissance : une jeune femme les prend en 1985 et elle décède en 2005. TGI Montpellier, 09 juillet 2002 indemnise la famille.



Section 4. Les responsabilités du fait d’autrui



L’article 1384 alinéa 1er est un article de transition. Il vise les personnes dont on doit répondre. Les alinéas suivants énuméraient limitativement des cas de responsabilités du fait d’autrui. Il y a la responsabilité des parents, des maîtres et commettants et celle des instituteurs et artisans. Dès 1901, la Cour de cassation a interprété restrictivement ces articles en refusant d’y apporter une quelconque altération. Il ne pouvait y avoir d’exception que dans les cas où la loi l’autorisait. Il y a très peu de cas de responsabilités. On s’est rendu compte que cette responsabilité du fait d’autrui était trop limitée. En 1991, on a déverrouillé avec l’arrêt « Blieck » qui opère un revirement de jurisprudence. La Cour de cassation dit que la liste n’est pas limitée et qu’il peut y avoir d’autres responsabilités du fait d’autrui. Elle trouve un fondement dans l’article 1384 alinéa 1er.



Sous section 1. La responsabilité des pères et mères du fait de leurs enfants mineurs



C’est une responsabilité prévue à l’alinéa 4 qui dit que « les pères et mères, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par les enfants mineurs habitant avec eux ». Cette responsabilité s’explique par l’idée des pouvoirs que les parents et notamment le père avaient à l’égard de ses enfants. Il y a une conception très classique de la famille puisque les parents doivent apprendre à leurs enfants à ne pas causer un dommage.



§1. Conditions d’application



Le texte a prévu trois conditions et il y a un élément qui fait défaut dans l’article qui est le fait de l’enfant.



  1. Les conditions prévues par les textes

  1. La minorité



On ne peut être responsable que quand ces enfants sont mineurs. La jurisprudence relève toujours systématiquement cette condition. Cette minorité s’apprécie au moment des faits. L’émancipation va également libérer les parents.



  1. L’autorité parentale



Cela n’existe sous son nom que depuis la loi du 4 mars 2002. Avant, on parlait du droit de garde qui juridiquement, n’existe plus. Le droit de garde est le droit de la personne à laquelle est confié l’enfant. Jusqu’en 2002, le droit de garde n’était pas autonome. C’était une composante.

Depuis 2002, l’autorité parentale est devenue un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Il n’y a plus de notion de devoir ou de droit de garde. Dans un divorce, le juge détermine où sera la résidence principale de l’enfant. Sauf hypothèse d’une délégation d’autorité parentale ou d’une déchéance, il n’y a que les parents qui ont cette autorité parentale. La jurisprudence refuse d’appliquer cet article à d’autres personnes que les parents. Par exemple, une grand-mère, dans 2ème civ., 18 septembre 1999 n’a pas d’autorité parentale tout comme le tuteur. Ch.crim., 08 février 2005 concerne un enfant confié pendant 12 ans chez ses grands parents.



  1. L’élément de cohabitation



La cohabitation est la résidence habituelle de l’enfant. Traditionnellement, on considérait que la résidene habituelle était une notion concrète = avec qui l’enfant habite ?

Lorsque l’enfant était en vacances ou en pension, on pouvait alors considérer que l’enfant ne cohabitait pas avec ses parents.

Désormais, la notion de cohabitation est totalement différente. Elle est devenue une notion de droit.

Ccass., 09 mars 2000 : des parents confient leur enfant à un centre médicopédagogique.

La notion de cohabitation est désormais une notion juridique qui amène simplement à se demander à qui est rattaché l’enfant juridiquement.

Lorsque les parents sont unis, la résidence de l’enfant se trouve chez ses parents.

Si l’enfant commet un dommage alors qu’il est en pension, les juges vont considérer que la condition de cohabitation est toujours remplie.

Ccass., 19 février 1997, « Samda » : Un enfant dont les parents sont divorcés part un week end chez son père. Pendant ce wweek end, il empreinte la voiture et cause un dommage. La victime poursuit la mère. La Cap. refuse. Cassation au motif que la visite pour un week end ne coupe pas la cohabitation avec la mère.

Cet arrêt est le point de départ d’une nouvelle jurisprudence mais il n’est pas probant.

Arrêt révélateur de cette dérive : Ch.Crim., 28 juin 2000 : les parents divorces, les enfants sont confiés à la mère. Il y a un conflit entre la fille aînée et la mère. La fille se sauve pour aller chez son père. Ce dernier se rend compte qu’elle est enceinte. Compte tenu du conflit entre la fille et la mère, le père demande au juge l’autorité parentale sur sa fille. L’ordonnance lui donne l’autorité parentale. La fille ne vivra pas avec son père mais avec son compagnon, c’est un fait constaté par le juge. Quelques mois plus tard, elle braque avec son compagnon une banque. On poursuit le père qui invoque que sa fille ne vivait pas avec lui. La Cour de cassation considère que l’absence de cohabitation n’est pas légitime car ce n’est pas le juge qui a fixé la résidence de la fille chez son compagnon. Le père n’avait pas d’assurance.



  1. Le fait de l’enfant



L’art.1384 al.4CC ne donne pas de précision sur le fait de l’enfant. Jusqu’à une époque récente, le jurisprudence exigeait une faute de l’enfant pour que l’enfant soit responsable.

Avant 1984, il fallait un discernement.

Pour éviter que les parents ne soient pas responsables sur l’art.1384 al.4CC, la Cour de cassation a admis que l’acte commis par l’enfant constitue soit une faute soit un acte objectivement illicite.

Dès que le problème a surgi, la Cour de cassation a eu cette position.

Ch.Civ., 15 juin 1948 : Admission implicite.

2ème Civ., 16 juillet 1969 : admission expresse : « la responsabilité du père suppose que la preuve est rapportée de la faute ou tout au moins du caractère illicite de l’acte commis ».

Lorsque la Cour de cassation a défini la faute comme étant une faute objective, certains auteurs ont affirmé que c’était justement pour que les parents soient responsables sur 1384 al.4 or c’est faux.

Dès 2ème civ., 10 février 1966, la Cour Suprême a admis que les parents pouvaient être responsables pour les dommages causés par l’enfant en tant que gardien.

Depuis 1984, on parle seulement d’acte objectivement illicite.

Ass.Plénière, 1984, « Fullenwarth » : certains auteurs ont pensé que la jurisprudence n’exigeait plus un acte objectivement illicite et que n’importe quel acte de l’enfant fautif/non fautif entrainait la responsabilité de l’enfant. Dans cette affaire, un enfant éborgne un autre enfant. La Cap. retient la responsabilité parentale en relevant un acte objectivement illicite. Pourvoi du père qui invoque l’absence de discernement de son fils. La Cour de cassation confirme la solution de la Cap. mais opère une substitution de motif : elle ne fait plus référence à l’acte objectivement illicite mais à l’acte en tant que cause directe du dommage.

Problème : cela ne correspond pas avec la présomption qui pèse sur les parents à l’époque. Présomption car les parents étaient en faute : enfants mal éduqués, mal surveillés. Or, s’il n’y a pas de faute, on ne peut pas leur opposer cette présomption.

A partir de 1984, les jugent ne parlent plus de faute mais de cause directe du dommage et les parents sont responsables sur 1384 al.4. Mais les juges relèvent chaque fois une faute de l’enfant sous le terme d’acte cause directe du dommage. Dans l’hypothèse où il n’y a pas de faute, l’art.1384 al.4CC n’est pas applicable.

L’évolution en matière de fait de l’enfant a commencé à partir de CCass., 02 décembre 1998 : une adolescente glisse dans un magasin et casse une vitrine. Les parents sont poursuivis par le propriétaire de la grande surface sur 1384 al.4. Or il n’y a pas de faute, la Cap. relève que la jeune fille circulait normalement. Les circonstances de la glissade sont indéterminées. On ne pouvait donc pas prouver de faute et pourtant 1384 al.4 a été appliqué en l’espèce. L’avocat ne s’est pas axé sur les conditions d’application de l’art.1384 al.4CC, il s’est basé sur les conditions d’exonération des parents.

Les arrêts récents lèvent les doutes :

  • 2ème civ., 10 mai 2001 : cet arrêt affirme que la faute de l’enfant n’est pas une condition d’application de l’art.1384 al.4CC. Dans cette affaire, une partie de rugby à l’école se déroule. A la suite d’un placage, un enfant est blessé. La Cap. refuse de retenir la responsabilité des parents car l’enfant n’est pas fautif, le placage est normal. Censure de la Cour de cassation : « attendu que la responsabilité de plein droit encourue par les père et mère du fait du dommage causé par leur enfant mineur habitant avec eux n’est pas subordonnée à l’existence d’une faute de l’enfant ».
  • 2 arrêts Ass.Plénière, 13 décembre 2002 : solution confirmée : pour que la responsabilité parentale soit engagée il suffit que le dommage invoqué par la victime ait été causé apr le fait même non fautif du mineur ».

Il s’agit désormais d’une responsabilité du fait d’autrui beaucoup plus lourde qu’une responsabilité du fait personnel.

La responsabilité parentale n’est que subsidiaire, le recours des parents contre les enfants une fois adulte est possible.



§2. La portée de la présomption



L’art.1384 al.7CC précise qu’une fois les conditions réunies, les parents peuvent se dégager de la responsabilité en prouvant qu’ils n’ont pas pu empêcher le fait dommageable.

Que doivent prouver les parents ?



  1. Jusqu’en 1997 : une présomption de faute



Initialement, il s’agissait d’une présomption de faute des parents. En cas de faute commise par l’enfant, les parents étaient présumés fautifs. Ils pouvaient démontrer le contraire, c’était donc une présomption simple de faute.

1984, « Fullenwarth » a tenté de renverser la tendance ; au lieu de parler de présomption de faute, la Cour de cassation avait référence à la présomption de responsabilité.

L’avocat général Cabannes voulait faire une responsabilité objective. Cette expression a été tout de suite adoptée.

Certains auteurs ont conclu à l’époque que seule la force majeure permettait d’exonérer les parents. La jurisprudence a continué d’admettre jusqu’en 1997 que les parents pouvaient s’exonérer en démontrant leur absence de faute.

2ème civ., 16 mars 1994 : un enfant est blessé dans une cour de récréation. Le père de la victime reconnait l’absence de faute des parents mais il affirme que les parents ne peuvent s’exonérer qu’en démontrant la force majeure. La cour de cassation ne suit pas : « les parents rapportent la preuve qu’ils ont exercé sur leurs enfants toutes mesures d’éducation et de surveillance ».

La jurisprudence est souvent chaotique même pour des affaires similaires, l’appréciation de l’éducation est très subjective. De plus, il y a le problème du juge tiraillé entre deux directions : volonté de sanctionner les parents fautifs et la volonté d’indemniser la victime.



  1. 1997, l’instauration d’une responsabilité de plein droit



2ème civ., 19 février 1997, « Bertrand » : seule la faute de la victime ou la force majeure peut exonérer le père de sa responsabilité de plein droit.

  • Abandon du fondement classique de la faute en matière de la responsabilité parentale. Si la faute de la victime présente les caractères de la force majeure => Force majeure => exonération totale. S’il y a une faute de la victime classique => partage de responsabilité (appréciation souveraine du juge du pourcentage de la responsabilité).

La Cour de cassation est très exigeante sur ce dernier point.

2ème civ., 02 décembre 1998 : une adolescente glisse dans une grande surface et casse une vitrine, la mère invoque la force majeure. La Cap. admet la force majeure. La cour de cassation censure la Cap., analyse du professeur Jourdain :

  • Irrésistibilité : cela arrive brutalement, la mère ne pouvait rien faire.
  • Imprévisibilité : l’adolescente circulait normalement, cela était inévitable pour la mère : insurmontable.
  • Extériorité : les parents n’ont pas le droit d’invoquer le fait de l’enfant comme étant un cas de force majeure car il manque l’extériorité.

Pour être exonérés totalement et invoquer la force majeure, ils doivent prouver autre chose : le cas fortuit ou le fait d’un tiers mais pas le fait de l’enfant (rapprochement avec la garde, on ne peut invoquer le fait de sa chose).

Mais s’il y a un cas fortuit ou le fait d’un tiers pour les parents alors il existe aussi pour les enfants (la force majeure n’est plus spécifique aux parents). Les parents ne disposent pas d’une exonération autonome. Si la force majeure n’est plus spécifique alors l’art.1384 al.7CC n’a plus d’intérêt.

Pour utiliser l’art.1384 al.4CC, il faut un acte cause directe du dommage. Si l’enfant invoque la force majeure alors la force majeure détruit le lien de causalité donc l’article ne joue plus. Cela n’est possible que parce que depuis 1997, seule la force majeure peut exonérer les parents.

Peu importe que les parents ne puisse s’exonérer que par la force majeure car de toute façon les enfants peuvent aussi l’invoquer.

La responsabilité est très lourde pour les parents. Même Jourdain trouve que la cour de cassation va trop loin.

Certains auteurs justifient la jurisprudence par l’existence des assurances.

Problème : l’assurance parentale n’est pas obligatoire, tout le monde n’est donc pas assuré. 87% des ménages ont cette assurance. Les 13% restant sont en situation précaire donc ils ne peuvent pas payer l’assurance et les cas de gros dommages sont dans cette frange.

Le fait d’être assuré de règle pas tout, dans les contrats : clauses limitatives de responsabilité avec des plafonds d’indemnisation, clauses contractuelles excluant certaines activités dangereuses, suspensions de garanties,…

EX : jusqu’en 1991, certaines compagnies ne garantissaient que le dommage accidentel de l’enfant (faute non intentionnelle), quand faute intentionnelle de l’enfant, l’assurance ne jouait pas mais les parents sont quand même responsables. Cela allait à l’encontre de l’art.L121.2 du Code des assurances qui prévoie que l’assurance est garante de tous les dommages causés par des personnes dont l’assuré est responsable en vertu de l’art.1384 al.4CC quelque soit la nature de la faute. La Cour de cassation a admis pendant longtemps la validité de ces clauses au motif de la liberté contractuelle (mais le législateur y a mis des limites).

1ère civ., 12 mars 1991 : fin de cette pratique. La Cour de cassation a admis que la notion de dommage accidentel créait une exclusion indirecte de l’art.L121.2 du code des assurances.

Ccass., 10 février 2004 : un groupe de jeunes provoque un incendie. Les parents sont tous condamnés in solidum. L’assurance d’une mère lui indique qu’il n’assurera qu’à hauteur de la part contributive de l’assuré (clause du contrat). Si la victime se retourne contre cette mère, elle devra payer 100%. L’assurance invoque la clause et ne rembourse que 10%. Evidemment, un recours récursoire est possible donc la mère devra s’endetter dans un premier temps pour payer.



La responsabilité des artisans est calquée sur celle des parents. L’alinéa 7 prévoie l’exonération des artisans.

Que doivent-ils démontrer pour se dégager du fait dommageable de leur apprenti ?

Il n’y a aucune affaire sur le sujet mais la doctrine dit que, comme pour les parents, ils ne peuvent s’exonérer qu’en démontrant la force majeure.



Sous section 2. Les autres responsabilités du fait d’autrui prévues par le Code Civil

§1. La responsabilité des instituteurs en matière d’accidents scolaires



Art.1384 al.6CC = Les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance.

Art.1384 al.8CC = En ce qui concerne les instituteurs, les fautes, imprudences ou négligences invoquées contre eux comme ayant causé le fait dommageable, devront être prouvées, conformément au droit commun, par le demandeur, à l'instance.

Qu’entend on par instituteurs ?

Ce sont des personnes physiques. La Cour de cassation a une interprétation large de la notion d’instituteur. Il n’est pas seulement qui enseigne mais ce sont aussi tous ceux qui s’occupent des enfants dans le cadre de l’école (le proviseur, le surveillant, les maîtres d’internant, les professeurs,…).

Même une personne mise en détachement dans une école sera considérée comme un instituteur : TC, 15 février 1999.

EX : 2ème civ., 13 décembre 2001 : un enfant se blesse en cours de sport. Les parents partent en procédure en invoquant la responsabilité des instituteurs. La personne en cause dit qu’il n’est pas un instituteur mais un employé de la ville et qu’ainsi le texte ne devrait pas être applicable. La Cap. Accepte son argumentation. Censure de la Cour de cassation.

Exception à cette extension : les enseignants du supérieur ne sont pas investis d’une mission de surveillance donc cette responsabilité ne les concerne pas sauf quand les enseignants procèdent à des expériences à risques.

Au départ, c’était une responsabilité identique à celle des parents ou des artisans : présomption de faute (faute de surveillance).

Problème avec un instituteur : présumé fautif, il se suicide = Affaire LeBlanc, 1892. Cela a amené à la loi du 29 juillet 1899 qui substitue la responsabilité de l’Etat à celle de l’instituteur. La loi du 05 avril 1937 précise que la faute n’est plus présumée mais qu’elle doit être prouvée => responsabilité du fait personnel.



  1. La nécessité d’une faute prouvée



Art.1384 al.8CC : En ce qui concerne les instituteurs, les fautes, imprudences ou négligences invoquées contre eux comme ayant causé le fait dommageable, devront être prouvées, conformément au droit commun, par le demandeur, à l'instance.

La victime devra prouvée que l’auteur du dommage se trouvait sous la surveillance de l’instituteur. La Cour de cassation a précisé que la surveillance s’exerce en classe, en récréation et pendant les sorties scolaires. Les dommages causés avant l’entrée dans l’école ou après la sortie ne peuvent être reprochés à l’instituteur sauf si ce dommage a été favorisé par un défaut de surveillance.

C’est le plus souvent une faute de surveillance mais ce peut être autre chose : le fait de faire prendre des risques à des enfants. L’instituteur doit empêcher les actes anormaux (notamment les jeux dangereux).

Souvent invoquée en matière sportive, les ensegnants doivent redoubler de vigilance et prendre des mesures de sécurité quand le sport est dangereux (c’est une exigence jurisprudentielle).

EX : un enfant se blesse au cheval d’arçon, la Cour de cassation considère qu’il s’agit d’un exercice dangereux nécessitant des précautions particulières (Ccass., 1991).

Cette exigence de surveillance est plus ou moins grande suivant l’âge de l’enfant.

EX : 1ère civ., 07 mars 1989 : lors d’une sortie à la montagne, un adolescent décide de prendre un chemin raviné, fait tomber des rochers et blesse ses camarades. L’instituteur est poursuivi pour faute. Rejet en raison de l’âge des élèves et de la nature de la randonnée, les instituteurs n’étaient pas tenus d’effectuer une surveillance constante.

Seule la faute contre l’enseignant peut être invoquée, on ne peut pas lui opposer la responsabilité du fait des choses. C’est une question qui a divisée la doctrine et la jurisprudence car l’aliné 8 fait référence au droit commun.

2ème civ., 11 mars 1981 : l’alinéa 8 ne vise que la faute.

Ccass., 16 mars 1994 : même position.



  1. Le particularisme de la responsabilité de l’instituteur



Responsabilité concernée : celle des membres de l’enseignement public ou privé si c’est un établissement sous contrat d’association. Ces instituteurs vont bénéficier d’une immunité civile pour leurs faits personnels. La responsabilité de l’Etat (en la personne du Préfet) devra être engagée par la victime.

La voie pénale reste ouverte aux victimens pour les fautes caractérisées. Même s’il y a des poursuites pénales, l’Etat restera substitué à l’instituteur pour les conséquences civiles (Ch.Crim., 13 juillet 1960).

La procédure se fera quand même devant les tribunaux judiciaires, on assigne le préfet.

Prescription : 3 ans à compter du fait dommageable.

Lorsque l’Etat est condamné, il dispose d’une action récursoire contre l’enseignant ou contre un tiers si un tiers est responsable du fait dommageable.

Si l’Etat se retourne contre un tiers : application des règles de responsabilité civile.

Si l’Etat se retourne contre l’instituteur : application des reègles de responsabilité administrative.

Il y a toujours la possiblité d’agir directement contre l’école pour défaut d’organisation du service mais c’est une autre procédure.

C’est peu satisfaisant.

EX : un enfant cause un dommage. La victime peut agir contre les parents ou l’instituteur. C’est beaucoup plus simple d’aller vers la responsabilité des parents car il n’y a pas besoin de démontrer une faute.



§2. La responsabilité du fait des commettants



Cette responsabilité est prévue à L’art.1384 al.5CC qui précise que « sont responsables les maîtres et commettants du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils sont employés ». Ce texte date de 1804. Les maîtres sont des domestiques et les commettants sont des préposés. Initialement, cet article ne concernait que la relation employeurs employés. C’est un article qui est formellement inchangé depuis 1804 mais il a subit de profondes modifications parce que la jurisprudence, sous la pression notamment des victimes, en a fait une interprétation plus large. Dans la majeure partie des litiges, cela concerne des contrats de travail. La jurisprudence applique cela aussi bien en matière de responsabilité contractuelle c’est-à-dire que le dommage est dû à une inexécution contractuelle, qu’en matière délictuelle c’est-à-dire en dehors de tout contrat.



  1. L’existence d’un lien de préposition



Il s’agit d’une notion qui est soumise au contrôle de la Cour de cassation. Pour que ce lien de préposition soit reconnu, il faut un lien de subordination mais il est parfois apprécié souplement.



  1. L’exigence d’un lien de subordination



C’est une notion qui a été définie par un Ccass., 04 mai 1937 qui dit « attendu que la responsabilité du fait du préposé à la charge du maître ou commettant suppose que ce dernier ait eu le droit de donner des ordres ou des instructions sur la manière de remplir les fonctions auxquelles il est employé ». L’arrêt poursuit en disant que « c’est ce droit qui fonde l’autorité et la subordination ». Le préposé n’a pas, en principe, d’indépendance. Il est tenu de respecter les ordres.

Ce lien de subordination existe dans l’ordre contractuel et notamment dans le contrat de travail. La grande majorité des litiges intervient dans le cadre d’une personne agissant dans le cadre d’une relation contractuelle. Cela peut être beaucoup plus vaste. On accepte le préposé occasionnel qu’il soit rémunéré ou bénévole. Cela peut résulter d’un lien de famille comme un fils qui travaille pour son père. Ccass., 04 décembre 1945 concerne cela. Entre un mari et une femme, l’arrêt de 1937 montre le lien de subordination. Cela peut être un ami ou une association. Cela n’est pas toujours bien assimilé par la pratique et notamment par les assurances.

La notion de lien de subordination, même dans un contrat de travail, peut être sujette à difficulté quand le salarié est mis temporairement à la disposition d’un tiers. C’est une question qui s’est posée dans l’affaire du 4 mai 1937. En l’espèce, la Cour de cassation a considéré que la responsabilité et ce lien de subordination ne se déplaçait que si l’autorité et le pouvoir de donner des ordres pour l’accomplissement du travail était bien transférée à un tiers soit en vertu d’une convention tacite ou expresse, soit en vertu de la loi. Dans cette affaire, une société Zuber avait mis à disposition d’une société de tir une voiture et un employé. L’employé prend tout le monde dans la voiture, il a un accident et une partie des passagers décèdent. L’épouse d’une victime fait une procédure. Ils sont partis sur la responsabilité du fait des commettants et assigne la société Zuber. La Cour de cassation dit que le commettant ne cesse pas d’exercer ses pouvoirs de direction sur son chauffeur du fait qu’il ne participe pas au transport. La société Zuber a bien été responsable sur le fondement de l’art. 1384 al.5CC. On peut faire un parallèle avec le transfert de garde. Parfois, la Cour de cassation assimile expressément les pouvoirs sur la chose aux pouvoirs exercés sur le préposé. 2ème civ., 08 mai 1964 utilise le transfert du lien de subordination et du commettant comme pour la garde.



  1. Une appréciation parfois souple du lien de subordination



Que se passe-t-il si le commettant n’a aucune compétence technique pour donner des ordres ? Peu importe, ce n’est pas le problème. Ce qui compte, c’est le pouvoir de donner des ordres.

2ème civ., 12 janvier 1977 concerne un commettant qui demande à son préposé de poser une canalisation. Le préposé cause un incendie. Les victimes assignent le commettant. La Cour de cassation dit que « le lien ne suppose pas que le commettant possède les compétences nécessaires pour donner des ordres. Il suffit qu’il ait simplement la possibilité de donner des ordres ».

2ème civ., 26 février 2000 concerne Ourasi, cheval qui a remporté énormément de prix dont le Grand Prix d’Amérique. Le jockey, en plein dans la course, fait retomber sa cravache sur un autre concurrents. Le cheval adverse prend peur et il se met au galop donc il est disqualifié. Le propriétaire du cheval disqualifié poursuit le propriétaire d’Ourasi qui dit que le jockey n’est tenu de suivre aucune instruction, aucun ordre donc il est indépendant. Il y a un rejet de cette argumentation. La Cour de cassation dit que le jockey courait pour le compte du propriétaire qui pouvait lui donner toute instruction utile. L’élément déterminant est l’autorité et la personne qui agit pour le compte d’autrui.

Mme Vinet pense que la notion de commettant peut se ramener à l’action pour le compte d’autrui, sous l’autorité de cette personne.

Reste la question des professions libérales : traditionnellement, on enseignait que ces professions, et notamment en matière médicale, étaient tout à fait incompatibles avec la subordination. Pour les médecins et sages femmes, on considérait qu’ils ne pouvaient pas être préposés pour les cliniques pour lesquelles ils travaillaient. On se justifie sur l’indépendance professionnelle pour l’accomplissement de leur profession. La jurisprudence a évolué progressivement.

Ch.Crim., 13 décembre 1983 précise qu’une sage femme pouvait être considérée comme le préposé d’une clinique. L’accouchement s’était mal passé : un médecin donne des ordres de mettre une perfusion, deux autres perfusions sont données mais cela est mauvais pour la femme. Le médecin est relaxé parce qu’il avait demandé à la sage femme de l’appeler. La sage femme est reconnue responsable car la mère et l’enfant décèdent. Les victimes se retournent contre la clinique. La Cour de cassation a considéré que la sage femme était la préposée de la clinique.

En 1986, la chambre sociale a suivi en disant que « l’indépendance professionnelle n’est pas incompatible avec l’état de subordination ». Les civ. 1ère et 2ème ont suivi.

Ch.Crim., 22 mars 1988 concerne un artisan indépendant qui installe des appareils pour le compte d’une société.

Les médecins et avocats peuvent être salariés. Certes, ils sont tout à fait indépendants dans leur travail mais ils restent tout de même soumis aux règles de l’organisation de leur service.



  1. Un dommage dans l’exercice de ses fonctions



Cette exigence relève de l’article 1384 alinéa 5. Toute la difficulté est d’apprécier si le fait dommageable entre ou non dans les fonctions.

Un fait dommageable commis au temps et au lieu du travail, pour les fonctions auxquelles on a assigné le préposé comme un accident de la circulation provoqué par une personne sur le trajet de son service est dans l’exercice de ses fonctions.

Les dommages causés en dehors du travail et ses fonctions : ce n’est pas dans l’exercice des fonctions.

L’acte ne rentre pas dans le cadre de l’accomplissement normal de la fonction mais la fonction a facilité voire provoqué le dommage.

EX : une personne qui a une voiture de fonction, part le week-end et a un accident. Au départ, il y a eu une jurisprudence dure pour le commettant qui était considéré comme responsable même si le préposé sortait du cadre de ses fonctions, si la fonction avait facilité le dommage : c’est le critère du moyen. Cette jurisprudence était laxiste pour la victime.

Ch.Crim., 23 février 1907 concerne cela.

Ce critère a amené à des solutions qui ont choqué surtout au niveau des années 1950. Ch.Crim., 05 novembre 1953 concerne un ouvreur de cinéma qui viole et tue une jeune femme. On se retrouve avec un commettant qui est responsable civilement mais pas pénalement. Il y a eu des dissensions et la chambre civile s’est éloignée de la chambre criminelle qui a continué à utiliser ce critère. La chambre civile est allée vers le critère du but. Les deux chambres civiles utilisent ce nouveau critère.

1ère civ., 01 juillet 1954 utilise le critère du but qui dit que dans l’hypothèse où l’acte a un lien avec ses fonctions, les chambres vont vérifier si le préposé a voulu ou non agir pour le commettant. S’il a voulu agir pour le commettant, ce dernier sera responsable. S’il n’a pas agi pour lui, le commettant ne sera pas responsable.

Le dépassement de fonctions est lorsque le préposé agit dans l’intérêt du commettant et l’abus de fonction est quand l’intérêt personnel du préposé a été privilégié. L’art.1384 al.5CC ne sera pas appliqué dans le cas de l’abus de fonction mais il le sera dans le cas du dépassement de fonction.

C’est une position intervenue dès 1954 réitéré dès 1955. On se retrouve avec une contradiction de la jurisprudence. Souvent, les juges de la chambre criminelle étaient plus souples vis-à-vis de la victime.

Il y a eu beaucoup d’arrêts de chambres réunies et d’Assemblée plénière. Il y a deux arrêts rendus en chambres réunies où on désavoue la chambre criminelle :

  • 09 mars 1960 : un employé prend la camionnette de son employeur en profitant qu’il est parti, pour aller dans la commune voisine. Il rentre dans la vitrine d’un commerçant et blesse ce dernier. La Cour de cassation a considéré que l’art.1384 al.5CC n’était pas applicable. La chambre criminelle persiste dans sa position donc il y a réunion à nouveau des chambres réunies.
  • 10 juin 1977 : quelqu’un embarque des camarades, il y a un accident et un décède. Le fond de garantie indemnise mais se retourne contre le commettant en invoquant la position de la chambre criminelle. la Cour de cassation désavoue la chambre criminelle et considère que l’art.1384 al.5CC n’est pas applicable. La Cour de cassation indique que le commettant « n’est pas responsable du dommage causé par le préposé qui utilise sans autorisation, à des fins personnelles, le véhicule à lui confié, dans l’exercice de ses fonctions ». La chambre criminelle ne s’incline pas et il faudra 3 arrêts d’Assemblée plénière pour qu’elle se plie.

Ass.Plénière, 17 juin 1983 réaffirme que l’article 1384 alinéa 5 ne s’applique pas au commettant pour des utilisations sans autorisations, à des fins étrangères à ses attributions et que le préposé s’est placé hors des fonctions auxquelles il est employé. Ce n’est que dans cette hypothèse que l’article 1384 alinéa 5 n’est pas applicable. On dit que c’est un dépassement objectif des fonctions. Il y a eu une polémique pour savoir si les éléments sont cumulatifs ou pas.

Ass.Plénière, 17 novembre 1985 et Ass.Plénière, 19 mai 1988 affirment que « le commettant ne s’exonère de sa responsabilité que si son préposé a agit hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions ». Depuis, on retrouve toujours cette terminologie. Ces éléments sont donc cumulatifs.

La chambre criminelle a donné des solutions inconciliable avec l’arrêt de 1988 dans un domaine particulier (car pour les autres, elle s’est pliée) : pour les sociétés de gardiennage. Il y a deux Ch.Crim. 22 juin 1988 : des sociétés doivent surveiller des locaux et dans un cas, il y a vol de ce qui est surveillé par les préposés et dans l’autre cas, il y a un incendie. Dans les deux cas, la chambre criminelle estime que le préposé se place forcément hors fonction quand il agit à des fins non seulement personnelles mais encore, à ses attributions. La chambre criminelle dit que les préposés ont commis des abus de fonction et que le commettant n’est pas responsable. Si la victime était partie sur le fondement de l’article 1147, elle aurait été indemnisée. La jurisprudence est donc contestable sur ce point car on est dans un contrat qui n’est pas respecté. Dans des affaires similaires, la 1ère chambre civile saisie sur le fondement de l’article1147 a indemnisé des victimes. Il y a donc eu une très grosse critique.

La chambre criminelle a rendu un 16 février 1999 qui s’est ralliée à la position de l’Assemblée Plénière de 1988 en indiquant que les éléments sont cumulatifs. L’unification de la jurisprudence n’existe que depuis 1999. Tous les arrêts exigent donc, maintenant, ces trois éléments cumulatifs.

Agir hors fonction est un dépassement objectif des fonctions. En principe, lorsque le préposé agit sur son lieu de travail et sur son temps de travail, ne sera pas considéré comme hors de fonction.

CCass., 15 avril 2008 concerne deux employés qui aspergent leurs camarades avec de l’alcool à brûlé et mettent le feu au chalumeau. Il y a une procédure. Le commettant disant qu’ils étaient hors fonction. La Cour de cassation a dit qu’ils ne sont pas hors fonction car ils ont agit au temps et au lieu de leur fonction. Ch.Crim., 25 mars 1998 concerne une personne avisée verbalement qu’elle est licenciée de suite. Cette personne prend son colt dans son bureau et séquestre trois cadres. Au bout d’une heure, il tue une personne car il considère que c’est à cause d’elle qu’il a été licencié. Le commettant invoquait qu’il n’était plus son préposé. Il n’y a pas de preuve qu’il avait été licencié automatiquement. Il n’était pas hors fonction car il était au temps et au lieu de sa fonction.

On revient à la jurisprudence du XIXème siècle. Le doyen Carbonnier a dit que c’est « un gaspillage de temps et d’intelligence ».

Le dépassement objectif des fonctions peut prendre une certaine spécificité quand la victime est en relation contractuelle avec le commettant. Cela concerne surtout les problèmes de banque ou d’assurance lorsqu’il y a des détournements de fond. On va regarder si le client est de bonne ou de mauvaise foi. Cette solution a été posée par Ch. Des requêtes, 04 décembre 1912 qui indique que si la victime avait été au courant, l’application de la responsabilité du commettant ne se fera pas. Il y a deux critères qui rentrent en compte et qui vont permettre de protéger ou de sanctionner la victime :

  • La croyance légitime
  • La théorie de l’apparence

Si un assureur reçoit de l’argent et détourne cet argent, on est dans de l’abus de fonction. Il y a une croyance légitime de la fonction qui remet de l’argent. Le commettant sera responsable.

2ème civ., 19 novembre 1997 concerne un détournement de fond par le sous-directeur d’une banque. Les personnes qui avaient versé les sommes se retournent contre le banquier et invoquent l’art.1384 al.5 en demandant à la société bancaire de rendre l’argent. La cour de cassation se rend compte que les clients ont donné des sommes de manière régulière et en espèce et le montant de la rémunération par la banque était trop élevé donc les victimes ne pouvaient légitimement croire que le sous-directeur agissait pour le compte de la banque. Les clients se doutaient qu’il y avait une manipulation quelque part. Il y a sanction de la mauvaise foi du client. Cela vient pondérer la définition de l’Assemblée Plénière de 1988.

1ère civ., 19 mars 2002 concerne un employé du Crédit Agricole qui consent un prêt de 350 000 Francs. Le directeur part avec et la banque dit que le client doit rembourser les mensualités. La banque n’a pas eu gain de cause : le Crédit Agricole n’a pas été considéré comme irresponsable. Les fonds ont été obtenus par le préposé au prêt et le dossier avait été préparé donc le client ne pouvait pas se douter que les fonds allaient être détournés

Un coiffeur voulait monter une épargne pour sa retraite et apportait régulièrement de l’argent à une assurance. Le directeur a perdu tout l’argent au casino. Il ne faisait plus partie de la société mais les clients ne l’ont su que très tardivement. Il y avait une croyance légitime.



  1. Les effets de la responsabilité du commettant



Initialement, c’était une responsabilité accessoire, subsidiaire. La victime pouvait agir contre le commettant, contre le préposé ou contre les deux en même temps.

CCass., 25 février 2000, « Costedoat » a abandonné ce principe séculaire puisque la Cour de cassation a précisé que le préposé n’engageait plus la responsabilité civile à l’égard de tiers, quand le préposé a agit dans les limites de ses fonctions. La jurisprudence instaure une immunité civile du préposé.



  1. Critique de l’immunité du préposé



La victime ne dispose plus de choix. Elle ne peut plus agir contre le préposé. Seule la voie de l’article 1384 alinéa 5 lui est ouverte.

  • 1ère critique : la porte de l’article 1382 est fermée à la victime. La jurisprudence s’érige en législateur et donc sort de son rôle. Cela va contre le principe constitutionnel que tout fait fautif qui a causé à autrui un dommage, oblige son auteur à le réparer.
  • 2ème critique : c’est une jurisprudence qui abouti à des solutions curieuses car le préposé dispose d’une immunité que n’ont pas les enfants et les déments.
  • 3ème critique : cette solution abouti parfois à sacrifier les victimes car si le commettant est en faillite, la victime n’obtient rien et on peut avoir des commettants qui n’ont pas d’assurance et qui ne sont pas assurés suffisamment.

En ce qui concerne le fait dommageable générateur de la responsabilité des commettants, les auteurs se sont demandés si la faute du préposé est encore nécessaire pour engager la responsabilité du commettant. On a fait un parallèle avec la responsabilité parentale. La Cour de cassation est restée très ferme sur ce point en réaffirmant par un 2ème civ., 08 avril 2004, qu’il faut démontrer la faute du préposé pour que le commettant soit responsable.



  1. Les limites à l’immunité civile du préposé



  • 1ère limite : elle vient de l’arrêt « Costedoat » lui-même puisqu’il précise que cette immunité ne concerne que les actes du préposé qui n’ont pas excédé les limites de sa mission. Dès qu’il excède les limites de sa mission, la victime pourra agir contre le préposé sur le fondement de l’article 1384 alinéa 5. Qu’entend-t-on par excéder les limites de sa mission ? On ne sait pas encore. On pourrait faire le parallèle en disant que la victime peut poursuivre quand il y a abus de fonction. On pourrait faire un parallèle avec le droit administratif et faire référence à la notion de faute personnelle détachable des fonctions.
  • 2ème limite : si le préposé commet une faute pénale intentionnelle, l’immunité ne jouera pas. C’est Ass.Plénière, 14 décembre 2001, « Cousin » qui a précisé que cette immunité ne s’applique pas en cas d’infraction intentionnelle, fusse sur l’ordre du commettant. Que fait-on de la faute pénale non intentionnelle ? Il n’y a pas de réponse. Si on est face à une faute civile intentionnelle, il y a une immunité puisque l’arrêt ne parle que de la faute pénale intentionnelle. N’importe quelle faute génère la responsabilité civile donc il n’y a aucune logique à faire une distinction entre la faute pénale et la faute civile puisque la faute pénale ne doit pas avoir de répercussion sur la responsabilité civile.

CCass., 20 décembre 2007 va sûrement changer le problème évoqué ci-dessus. Cette affaire traite des recours récursoire du commettant contre le préposé en faisant simplement référence à la faute pénale intentionnelle au lieu du recours récursoire.

D’autres limites ont ensuite été posées puis abandonnées :

  • 1ère civ., 13 novembre 2002 a considéré que le médecin salarié ne pouvait pas bénéficier de l’immunité. Cette solution était en conformité avec TC, 10 février 2000 : « compte tenu de l’indépendance professionnelle dont jouit le médecin dans l’exercice de son art, il est loisible au patient d’agir contre lui, indépendamment d’une action contre l’établissement de santé ».
  • La Cour de cassation, par 2 arrêt du 09 novembre 2005 a affirmé l’immunité d’un médecin et d’une sage femme.



  1. L’étendue de la responsabilité du commettant



C’est une responsabilité objective qui ne s’incline que devant la force majeure. Le commettant ne peut pas, en cas de force majeure, invoqué le fait de son préposé. Si on a un cas de force majeure pour le commettant qui n’est pas le fait de son préposé, ce cas de force majeure le sera aussi pour son préposé. Si le préposé peut invoquer la force majeure, le lien de causalité est détruit et les conditions de l’art.1384 al.5CC ne sont pas réunies.

La faute de la victime permet un partage de la responsabilité. La faute d’un tiers n’est pas opposable à la victime.

Se pose la question de l’éventuel recours récursoire du commettant contre son préposé. Avant la jurisprudence « Costedoat », le commettant pouvait se retourner contre son préposé.

CCass., 20 décembre 2007 précise que « l’employeur commettant qui a indemnisé la victime d’un dommage causé par son employé préposé en application de l’article 1384 alinéa 5, ne dispose d’aucun recours récursoire contre son salarié ».

L’avant projet de réforme du droit des obligations s’écarte de la jurisprudence « Costedoat » et la responsabilité du préposé serait subsidiaire. Cela garantirait mieux la victime.




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